Il était une fois un pont entre deux tours…

Tout commence comme un conte médiéval, mais ce dimanche 30 avril était surtout l’occasion pour de nombreux parisiens de quitter l’autoroute d’une trop longue campagne pour emprunter les chemins d’un court exode rural.

Foin de trêve pour les aînées de la Gaga ! En ce début d’après-midi, nos habituées des joutes nationales roulaient sur une route départementale vers l’avenue de l’Honneur régional dont elles représentaient la majorité absolue (quatre gymnastes sur sept engagées au plus haut niveau). Mais que serait la quantité sans la qualité ? Elise, Laure, Marie et Noémie le savaient bien : elles allaient devoir donner le meilleur d’elles-mêmes dans ce débat pour déguster les fruits de leur travail avant d’en faire la fête à peine anticipée, en cette veille de 1er mai.

Dominique au sol et Valérie à la poutre allaient bientôt pouvoir en juger avec la compétence et l’impartialité qui les caractérisent.

En attendant, il était encore temps d’opérer quelques sondages dans l’aménagement FSCF du code FIG. Cette relecture de dernière minute allait permettre d’apporter de subtiles modifications aux programmes proposés par nos candidates afin de faire grimper leurs notes finales de quelques précieux dixièmes. Car une compétition se gagne d’abord avec la tête et en regardant vers le haut…

Pour l’aborder avec une certaine sérénité, il fallait aussi trouver le juste dosage entre concentration et décontraction. L’expérience et la complicité affichées par nos quatre représentantes chevronnées leur permettaient de maîtriser au mieux cette alchimie délicate. Cet état d’esprit remarquable et constant ne pouvait que ravir leurs fidèles soutiens venus assister au meeting : Evna, Jean-Yves, Marie et Suzanne ne ménageaient pas leurs encouragements pour les aider à se dépasser, prendre et produire du plaisir à partager sans modération.

Si tout leur enjeu collectif était là, chacune pouvait aussi se fixer son propre challenge selon son ambition du moment: conforter son programme en se concentrant plus particulièrement sur un agrès, préparer les échéances futures en tentant de nouveaux éléments, surmonter ses douleurs récurrentes voire le souvenir toujours vivace d’une ancienne blessure, ou même tout simplement retrouver son instinct de compétitrice sitôt le justaucorps enfilé…

Qu’elles me permettent de le dire à leur place : Un gros moteur de leur réussite est indéniablement leur envie de remercier Dan tout au long de cette année en forme de tournée d’adieux. A ce titre, Marie et Noémie voulaient sans doute effacer quelques mauvais souvenirs de la récente finale des Coupes Nationales pas aussi réussie qu’elles l’auraient souhaité. Mission accomplie ? Attendez un peu, vous allez le savoir…

Depuis quelques années, nous commençons à bien connaître la salle de Moussy-le-Neuf, son club y organisant régulièrement des compétitions. Ici, pas l’ombre d’un hooligan ! Et pour cause : comme toujours, configuration oblige, le public maigre mais motivé était parqué dans un coin et seul le spectateur du premier rang pouvait embrasser du regard l’ensemble du plateau. En revanche, il était au plus près du praticable avec le privilège de ressentir parfois le souffle court de certaines gymnastes en fin d’évolution. Le public du deuxième rang pouvait quant à lui s’adonner tranquillement à la lecture, sans être gêné par le moindre bruit : L’ambiance moussignole (oui, c’est comme ça qu’on dit!) était plus que jamais familiale et feutrée, chaque phrase ou interjection prononcée par quiconque retentissant comme dans le cocon d’un petit théâtre. Nous étions loin du brouhaha qui accompagne désormais les compétitions nationales et il faut reconnaître que ce côté apaisant n’était pas désagréable et contribuait certainement à ôter une partie de la pression sur le plateau.

Il en restait encore un peu ? Laure allait se charger de l’évacuer complètement en provoquant un grand éclat de rire collectif. Si la barre trop neuve avait été transformée en clown blanc à grands renfort de magnésie, elle enfilait de son côté les maniques de l’Auguste pour faire son numéro : Entrée parfaite, très belle rotation suivie d’un superbe lâcher des antérieurs de la barre inférieure pour atterrir sous la barre supérieure… sur le postérieur ! Cette acrobatie inédite s’étant déroulée sans mal, l’atmosphère était définitivement détendue au sein du groupe.

Laure pouvait ensuite reprendre tout son sérieux à la poutre, seule Gaga à n’y déplorer aucune chute. Elle prenait même sur elle pour nous gratifier d’un salto d’avant de funeste mémoire, chassant ainsi d’un coup de talon autoritaire les vieux démons qui lui collaient encore aux basques. Ses poings serrés après le salut aux juges en disaient long…

Sur ce même agrès, Noémie innovait, incluant dans son mouvement deux sauts en position latérale. Après les avoir parfaitement exécutés à l’échauffement, elle n’en réussissait
qu’un lors de son passage, constatant que ses pieds étant plus longs que les 10cm réglementaires de largeur de poutre, la précision millimétrique s’imposait dans cet exercice.
Nul doute qu’après quelques nouveaux entraînements, ces sauts figureront rapidement dans son répertoire régulier !

Naguère, en janvier, la température de la salle de l’Erable nous avait rappelé celle du Canada. Ce n’était plus le cas en ce dimanche. A la table officielle, Babeth trinquait avec Agnès avant d’avaler un verre d’eau bienvenu. Puis elle s’adressait à certains jurés pour les stimuler, les soupçonnant de céder à une douce torpeur pré-estivale et les incitant à accélérer quelque peu leur notation. (Saviez-vous que Moussy, avec cinquante ralentisseurs, est championne de France du dos-d’âne, source Wikipedia ? Ceci explique peut-être cela.)

Côté notes justement, Elise montait en régime au fil des rotations. Pour son passage au sol, Dan, bien calé dans son fauteuil de metteur en scène, s’autorisait même à annoncer son show de sa voix de stentor ! Les spectateurs alertés retenaient alors longuement leur souffle devant son mannequin challenge imprévu, la faute à un CD défectueux. Mais les choses rentraient rapidement dans l’ordre et elle pouvait enfin s’élancer dans un tourbillon de fraîcheur, d’originalité et de bonne humeur communicative dont elle a le secret. Sa chorégraphie frisant parfois la parade nuptiale ne pouvait que séduire les juges aussi sensibles que le public à son charmant sourire.
Quant à Marie, la régularité de sa performance tout au long de cet après-midi était saluée par des applaudissements nourris. Dans sa quête de la perfection, elle manifestait sa déception après une chute à la poutre qu’elle estimait évitable. Sur le praticable, elle mobilisait toutes ses ressources physiques et mentales pour venir à bout d’un programme comme toujours dynamique et exigeant. Oriane s’était d’ailleurs transformée en bouclier humain à l’arrivée de sa dernière diagonale réalisée en apnée. Ce geste préservatif était destiné à lui éviter de tomber dans l’enceinte placée là par l’organisation. Il s’avérait heureusement inutile, Marie ayant conservé jusqu’au bout le contrôle de son corps. Serrant les dents et sa cheville au moment de passer à table, elle tentait même avec succès deux sauts différents en guise de bouquet final.

Le sourire était sur tous les visages pour l’ultime câlin traditionnel. Il ne restait plus qu’à attendre les résultats du dépouillement des bulletins de notes. Ce ne serait pas long, compte tenu du regrettable faible taux de participation des clubs à ce rendez-vous annuel.

Grâce à un total de 40,20 points, Laure se classait 6ème, avec la 2ème note à la poutre.

Les 41,25 points d’Elise (3ème note au sol) la plaçait à la 4ème place, à 1,15 point du podium.

Malgré trois chutes, Noémie grimpait sur la deuxième marche avec 43,45 points.

Et Marie survolait cette compétition en obtenant les meilleures notes à chaque agrès, creusant ainsi un écart plus que confortable. Ses 47,85 points lui offraient sans contestation possible un mandat de championne d’Ile-de-France remporté haut la main.

Après les félicitations présidentielles et la joyeuse séance de photos autour de la banderole rouge et blanche, nous pouvions regagner la capitale en éprouvant quelque fierté légitime d’avoir été scrutateurs de ces filles qui, une fois de plus, ont fait Honneur à la Gaga. Nul besoin de consultation pour plébisciter dès maintenant la prochaine échéance nationale : comme elles, nous y serons à 100% !

Pascal J